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Comment penser que 90 % des données jamais générées dans le monde l’ont été ces deux dernières années ? Que chaque jour, 2,5 x1012 octets de données transitent sur internet, mais aussi via les smartphones, les GPS, les objets connectés ? C’est cela, le big data. Chaque acte de la vie quotidienne fait naître des données. Dès lors, s’il s’agissait là d’une incroyable opportunité pour étudier très précisément les comportements des consommateurs ?

Le big data : un nouveau trésor ?

En y réfléchissant, lorsque Facebook a été introduit en bourse, ce n’est pas pour sa plateforme informatique ni pour sa marque. La société possède l’un des plus gros fichiers consommateurs au monde. Tout comme Google. Et cette valeur ajoutée est inestimable pour qui souhaiterait utiliser ces données qualifiées à des fins marketing.

Souhaitez-vous connaître les goûts des jeunes filles de 20 à 22 ans, urbaines, qui font des études, en matière de chaussures à talons ? Ou ceux des adolescents de 14 à 17 ans concernant les applications de smartphone au Portugal ? Rien n’est impossible face à des fichiers aussi fins, précis et remis à jour quotidiennement. Sauf que…

Le big data : analyser les données, pas si simple…

Beaucoup prévoient que le big data est l’avenir du marketing. Notamment pour l’ultra personnalisation de la relation clients. On voit se développer partout les postes de data scientist ou data managers qui sont une relecture des métiers de statisticien remis au goût du jour. En revanche, les défis posés par l’analyse d’un très grand nombre de données sont nouveaux.

Big data : défi technologique

  • Comment analyser en temps réel ou très rapidement par exemple les 100 millions d’actions quotidiennes d’une grande e-boutique pour personnaliser la relation client ? Comment disséquer 2 téraoctets de tweets par jour pour comprendre l’opinion des clients face à un produit ? En utilisant quelles méthodes avec quel matériel ?
  • Plus compliqué : comment croiser des données hétérogènes issues de sources variées pour une même entreprise ? Nous évoquons internet et ses différentes sources, certes. Mais les images vidéo, les voix enregistrées au SAV, les comportements des consommateurs en rayons sont aussi des données marketing primordiales. L’omnicanal induit des données en principe impossibles à intégrer au sein d’un même flux de données.

Big data : défi politique

  • En 2016, IBM déclarait qu’un décideur sur trois ne faisait pas confiance au big data, notamment pour la gestion de l’entreprise. La fiabilité des indicateurs est remise en cause.
  • Les entreprises sont-elles capables de remettre en place des structures permettant qu’expertise technologique, datas, marketing et ingénierie travaillent main dans la main avec le même référentiel ?
  • Pour autant, Deloitte estime que 137 000 professionnels du big data manqueront à l’appel en France d’ici 3 ans. À ce moment, selon le Boston Consulting Group, en Europe, la valeur des données personnelles représentera un big chiffre de 1000 milliards d’euros…

Big data : défi analytique

  • En marketing, les données quantifiables – les chiffres – ont toujours été analysées. Ce n’est pas une nouveauté, même si les marges d’erreur existent. En revanche, les données qualifiées posent problème lorsqu’elles sont nombreuses. Analyser du texte, des images, des voix ? De la sémantique ? Des comportements ? Des besoins ? Technologiquement, c’est encore un miroir aux alouettes. On peut savoir si, dans 50 millions de tweets, on parle en bien ou en mal d’un produit. On peut catégoriser les mots utilisés en grandes familles sémantiques. Mais on ne peut qu’approximativement savoir pourquoi. Ici, les marges d’erreur sont encore très grandes.
  • L’automatisation du traitement des datas permettant l’analyse est donc un enjeu majeur. On pourrait croire que ceci est encore inabordable, mais ce n’est pas le cas. D’ici quelques années, tout sera possible. Comment ?

Big data : élémentaire, mon cher Watson

L’intelligence artificielle est l’une des réponses.

Tout le monde se souvient d’HAL dans 2001, l’odyssée de l’espace. Cet ordinateur (dont l’acronyme provient d’IBM) se met à avoir une conscience, et même à rêver. Perclus de problèmes existentiels, il va saboter une mission et tuer des humains croyant faire le bien. Science-fiction : ce film a 48 ans.

Science-fiction ?… Au dernier South by Southwest (SXSW) d’Austin (Texas), IBM a présenté sa dernière version de Watson sous ses jours les plus récréatifs. Cette application d’intelligence artificielle est en passe de réussir le fameux test de Turing. À savoir : un humain tchatant avec Watson ne sera bientôt plus en mesure de déceler qu’il parle non avec un autre humain, mais avec une machine.

Watson, HAL et Big Brother ?

Certes, à Austin, on a montré le côté ludique de Watson : il établit votre portrait psychologique en discutant avec vous. Il analyse vos mots, votre ponctuation, vos types de phrases. Bref, il analyse votre sémantique pour savoir qui vous êtes. Il peut aussi reconnaître des images, analyser des données, converser avec vous dans toutes les langues, car il est doué d’apprentissage. Plus on lui donne du grain à moudre, plus il s’améliore.

Rob High, directeur du programme, souligne (article du Monde du 12/03/2017) : « Ces systèmes intelligents doivent être en mesure de nous comprendre, de comprendre ce que nous voulons dire et de comprendre les problèmes que nous essayons de résoudre. […] Des milliards de milliards de données sont générés chaque jour, et chaque jour, nous prenons des décisions sans connaître vraiment ces informations, sans savoir ce qu’elles disent. Nous avons besoin de ces systèmes pour nous aider à faire de meilleurs choix, mieux informés, basés scientifiquement sur la réalité. »

Big data et éthique ?

Plus qu’humain, Watson ? Pas selon IBM. « Quand nous parlons d’intelligence artificielle, nous ne voyons pas ça comme une copie de l’intelligence humaine, mais comme de l’intelligence augmentée. […] Le système est capable de voir si un consommateur est de très mauvaise humeur. Son travail sera de le faire passer à un état émotionnel plus positif. […] On commence à reconnaître les visages. Dans une foule, Watson peut dire qui il reconnaît. »

Nous sommes loin de la machine qui battit naguère les meilleurs joueurs d’échecs ou, ce qui était scientifiquement reconnu impossible, les meilleurs joueurs de go. Nous sommes au seuil d’une analyse sémantique de plus en plus exacte, et possible en très grande masse en temps réel.

Big data, sémantique et marketing

Et nous revenons ici au questionnement de départ : comment analyser qualitativement les comportements d’une cible en temps réel ou dans la durée, en amenuisant le risque d’erreur ? Watson semble démontrer que la technologie se situe aujourd’hui à un nouveau palier. Elle sera très vite capable d’apporter le miel dont les marketeurs manquent pour concevoir le produit parfait, Saint Graal de toute entreprise.

Amazon, Facebook, Google, Apple, Microsoft sont insérés dans notre quotidien et brassent des pétaoctets (1015) de données. Google classera les sites selon la pertinence de ses contenus dans son moteur de recherche, et nombreuses seront les déconvenues. Immense sera le nouveau marché des sites sémantiques. Facebook saura sans risque d’erreur à qui vendre les dernières épingles à cheveux à la mode. Amazon vous proposera des livres que vous ne pourrez pas ne pas acheter. Microsoft et Apple vous fourniront en infodivertissement et en systèmes d’information correspondant à vos besoins au millimètre près.

Et chacun profitera d’un univers où le virtuel s’incorporera au réel pour que votre relation avec les entreprises et les administrations soit très très personnalisée. À la nuance près que vous converserez avec une machine. Mais est-ce un souci si votre satisfaction est à son comble ?