Boris Foucaud Formateur

Typographie : bien choisir ses polices de caractère

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Depuis une bonne vingtaine d’années, les traitements de texte s’étant démocratisés, tout le monde sait ce que sont les polices de caractères. Encore faut-il les utiliser à bon escient pour des raisons de lisibilité. Et justement, les classer par familles pour en savoir plus sur leur histoire et leur utilisation n’est pas aussi simple. Voici comment y voir un peu plus clair dans le monde merveilleux mais dense de la typographie…

Typographie et police : une histoire vieille… comme l’écriture

Une police est un ensemble de glyphes, ces derniers étant une représentation graphique de caractères, de la même famille et dont le style est coordonné afin de constituer un alphabet complet dans une langue donnée. Ceci est la définition présentée par Wikipédia mais une fois que l’on a dit cela, on n’est guère avancé sur la question. Certains parlent aussi de « fontes » de caractères : une fonte est un ensemble de caractères de même police, de même corps, de même graisse et de même italique. Là encore, on n’est guère plus avancé. Ceci n’indique pas quoi utiliser, où et quand.

Les familles de polices de caractères : bienvenue chez Vox

Plusieurs ont essayé de regrouper les polices par familles afin d’en comprendre l’emploi, mais la difficulté principale provient de l’immense diversité des polices de caractères. Comment les classifier ? La méthode de 1921 d’un certain Francis Thibaudeau, un Angevin entre parenthèses, a longtemps fait référence. Le souci, c’est que les quatre grandes familles de caractères identifiées sont un peu réductrices. Elzévir, Didot, Égyptiennes et Antiques, plus parfois Textura, sont une réalité dépassée par l’avènement du numérique.

La classification proposée en 1954 par Maximilien Vox dite Vox-Atypi offre 12 grandes familles de caractères, et est donc plus précise que la classification Thibaudeau. Pour notre part, nous en apprécions autant l’exigence que la poésie. L’association typographique internationale, l’Atypi, se fonde sur la classification Vox.

Ne croyez surtout pas que la création d’une police de caractères laisse les choses au hasard. Il s’agit d’une compétence très pointue, liée autant à un savoir-faire artisanal séculaire qu’à une parfaite maîtrise des contraintes en lisibilité du texte.

NB : pour en savoir un peu plus, voyez cette page de lexique typographique très bien faite.

Famille 1 des polices de caractères : Humanes, Garaldes et Réales

Cette famille comprend les caractères historiques qui utilisent des empattements triangulaires et des faibles contrastes entre les pleins et les déliés.

Humanes

Les caractères « latins » s’inspirent de l’écriture humaniste. On les crée à Rome pour éditer Cicéron, en 1462. Leur objectif est de respecter les proportions du Nombre d’or, et ce sont notamment Léonard de Vinci et Albrecht Dürer qui y réfléchissent les premiers.

Les caractères sont ronds et montrent peu de contrastes entre pleins et déliés. Ils sont également orientés vers l’arrière selon un axe oblique.

Garaldes

Ce nom provient de la contraction du nom de deux imprimeurs, Claude Garamond et Alde Manuce. Lorsque les Humanes sont devenues un peu trop « rustiques » ou démodées, François Ier a demandé à ce que l’on crée une police de caractères lui permettant de transmettre sa politique et ses idées humanistes. Les Garaldes auront le vent en poupe du XVe à la fin du XIXe. Les Garaldes diffèrent des Humanes notamment grâce à l’horizontalité de la traverse sur le « e », mais surtout par le contraste existant entre les pleins et les déliés. Les empattements sont affinés et les capitales moins hautes par rapport aux lettres dites « longues du haut » comme le « l’ ou le « h ». Les capitales « M’ et « A » perdent leur empattement.

Ce sont les Garaldes que Thibaudeau nomme « Elzévirs ». Il faut savoir que le Garamond continue à être très utilisé aujourd’hui. Cette police est notamment celle de la prestigieuse édition de la Pléiade.

Réales

D’autres pays que la France ont acquis un savoir-faire remarquable en matière de typographie. Louis XIV a souhaité se démarquer en commandant une nouvelle police de caractères concurrençant les superbes Garaldes de l’étranger. On créa alors les Réales ou le « Romain du Roy », qui ont des empattements parfois arrondis (« f » ou « r ») et plus horizontaux que pour les Garaldes.

La célébrissime police Times New Roman est une Réale créée en 1932 pour le journal britannique The Times par Stanley Morison afin de gagner de la place pour une impression médiocre sur du papier de basse qualité tout en restant lisible.

Famille 2 des polices de caractères : Didones, Mécanes et Linéales

Cette famille est née de la révolution industrielle du XIXe siècle. Leurs empattements sont plus simples que pour les autres familles de polices de caractères.

Didones

Ce nom est la contraction du nom de deux imprimeurs, Firmin Didot et Giambattista Bodoni. Ces polices de caractères sont symboliquement très fortes : avant 1789, on fond des caractères uniquement sur ordre officiel, notamment du roi. Après la Révolution, on peut créer des polices sans la moindre subordination à personne. D’autre part, le papier Vélin d’excellente qualité pour l’imprimerie est inventé par l’imprimeur Baskerville en Angleterre, ce qui permet d’affiner les polices.

Les Didones ont des empattements et des déliés très fins, très contrastés avec les pleins. On les utilise encore de nos jours pour la publicité, car elles attirent l’attention. On les utilisa également pour imprimer les grands textes classiques de Racine ou de La Fontaine. Les romantiques s’en emparèrent et les Didones (notamment le Didot) devinrent le symbole de la littérature romantique.

Mécanes

Les Mécanes naissent de l’industrie et de la réclame. Les empattements sont épais et quadrangulaires. On utilisa longtemps ces polices de caractères en dactylographie. Leur forme franche permet la rapidité mécanique de l’impression. Leur objectif est d’accrocher le regard au-delà de toute idée de style.

Linéales

Les Linéales suivent l’essor de l’architecture moderne et de la publicité. Elles sont très lisibles pour les titres (affiches) mais beaucoup moins pour le texte courant. Il en existe quatre types :

L’Arial est une linéale inventée en 1980 par Microsoft et couramment utilisée pour la lecture à l’écran.

Famille 3 des polices de caractères : Incises, Scriptes et Manuaires

Incises

La première police de caractères latine connue est la « Capitalis monumentalis » et date de 450 avant notre ère. Il n’existe à cette époque que des capitales, la minuscule n’apparaissant qu’avec la Caroline (sous Charlemagne).

Les incises sont utilisées de nos jours uniquement pour les titres. Elles sont appelées ainsi car elles rappellent les caractères gravés dans la pierre. Les empattements sont triangulaires et rappellent la marque d’un burin.

Scriptes et Manuaires (hors Fractures)

Ces polices se réfèrent aux polices manuscrites.

Les scriptes reproduisent l’écriture courante à main levée en s’inspirant donc fortement de la calligraphie.

Les manuaires imitent l’écriture à main posée.

Leur utilisation est restreinte aux invitations, aux lettrines voire aux titres.

Fractures

Les Fractures sont regroupées par Vox-Atypi dans les manuaires. Ces caractères sont les fameux gothiques allemands nommés « Fraktur » dans la langue. Ce caractère est historiquement très important, puisque c’est celui utilisé naturellement par Gutemberg pour l’impression de sa Bible en 45 lignes par page, premier livre imprimé en occident.

Les autres familles de polices de caractères selon Vox-Atypi

Les Fantaisistes

Ce groupe n’en est pas vraiment un, car il regroupe un grand nombre de polices de caractères qui n’ont pas de rapport entre elles sinon qu’elles sont contemporaines, souvent créées par ordinateur, divertissantes, ludiques voire parodiantes ou comiques. Certaines polices fantaisistes sont à la limite d’autres familles.

Non-latines

Cette famille de polices n’en est pas vraiment une, car elle peut en intégrer d’autres selon la forme des caractères…

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